Sûreté et sécurité des centrales nucléaires belges: l'AFCN apporte des précisions sur les récents articles

L'AFCN promeut la protection efficace de la population, des travailleurs et de l'environnement contre le danger des rayonnements ionisants. Elle veille donc tant à la sûreté qu'à la sécurité nucléaire et elle s'assure que les exploitants des installations nucléaires respectent bien leurs obligations légales. A ce propos, plusieurs articles ont été publiés dans les médias au cours des dernières semaines. Différents dossiers et termes techniques cités à cette occasion méritent quelques mots d'explication.

1. Sûreté et sécurité

Sûreté nucléaire et sécurité nucléaire ne doivent pas être confondues. La sûreté nucléaire englobe toutes les mesures prises concernant les installations nucléaires pour éviter la survenance d'incidents et d'accidents et, le cas échéant, atténuer le plus possible leurs conséquences. La sûreté concerne donc la protection de la population, des travailleurs et de l'environnement contre le danger des rayonnements ionisants et couvre également toutes les mesures techniques destinées à optimiser la gestion des déchets. D'autre part, la sécurité nucléaire concerne les différentes mesures destinées à prévenir et détecter l'effraction, le vol, le sabotage ou tout autre acte malveillant et à y répondre.

2. Agréments

En vertu de  l'arrêté royal du 17 octobre 2011 relatif à la protection physique des matières nucléaires et des installations nucléaires, les exploitants des installations nucléaires et des entreprises de transport sont tenus d'introduire auprès de l'AFCN un dossier de demande d'agrément pour leur système de protection physique. Dans le cadre de cette procédure d'agrément, les exploitants peuvent prendre des mesures et apporter des améliorations jusqu'au 1er mai 2017. D'ici là, l'AFCN évaluera le système de protection physique mis en place et elle se prononcera sur la demande d'agrément.

Sur base des dernières évaluations du système de protection physique d'Electrabel,  l'AFCN a décidé le 1er novembre 2016 de ne pas lui délivrer provisoirement d'agrément. Cette décision ne signifie pas que le système de protection actuel n'est pas acceptable, mais bien qu'il peut être amélioré aux yeux de l'AFCN. Electrabel dispose à présent de trois mois pour apporter à son système de protection physique les modifications recommandées par l'Agence. L'AFCN suit de près ce processus d'analyse et s'entretient régulièrement avec Electrabel sur le sujet.

Le but de cette procédure d'agrément est double. Premièrement, améliorer le niveau de sécurité des installations et transports nucléaires, pourtant déjà élevé, et secondement, s'assurer que tous les travailleurs tendent vers une culture de sécurité optimale. Electrabel a développé des programmes spécialement consacrés au déploiement de cette culture de sécurité.

3. Attestations et habilitations de sécurité

Electrabel ne possède donc pas encore l'agrément pour son système de protection physique, mais dispose d'une habilitation de sécurité.

Une habilitation de sécurité est délivrée aux personnes et organisations qui, pour des motifs professionnels, doivent avoir accès aux zones de sécurité d'un établissement nucléaire, à  des matières nucléaires ou à des documents confidentiels. L'enquête en vue de l'obtention d'une habilitation de sécurité est conduite par l'Autorité nationale de Sécurité (ANS). Dès lors que cette enquête dure plusieurs mois, l'AFCN délivre des attestations de sécurité et des autorisations d'accès temporaires pour combler cette période d'attente.

4. Gestion des documents

L'AFCN a récemment mené une inspection au siège principal d'ENGIE Electrabel à Bruxelles en vue d'y contrôler le système de gestion des documents. L'Agence a constaté qu'ENGIE Electrabel dispose d'un système solidement et efficacement documenté en matière de gestion des documents nucléaires, bien qu'il soit susceptible d'être amélioré.

5. Cybersécurité

La cybersécurité constitue un volet spécifique de la sécurité nucléaire. Elle n'apparaît pas textuellement dans les textes de loi.  L'arrêté royal du 17 octobre 2011 portant sur la catégorisation et la protection des documents nucléaires stipule que l'installation ou le transporteur est tenu de protéger les documents nucléaires, ce qui inclut les documents numériques. En outre, la cyber-sécurité a été intégrée dans les tests de résistance de 2011, sur base desquels les exploitants nucléaires ont déjà pris des mesures.

Comme expliqué en sous-commission « Sécurité nucléaire », les systèmes de commande de la partie nucléaire des centrales sont analogues et ne sont pas reliés à un serveur externe.  Ils sont totalement isolés et ne peuvent pas faire l'objet d'une cyber-attaque. D'autres systèmes, comme le système de messagerie, sont quant à eux connecté au monde extérieur, raison pour laquelle toute l'attention nécessaire est portée à la cybersécurité. Comme cet aspect est en constante évolution, la menace tout comme les mesures prises doivent être régulièrement évaluées et actualisées en fonction des dernières indications en la matière. L'AFCN et sa filiale Bel V emploient plusieurs cyberexperts. L'AFCN prévoit d'autres actions visant à renforcer son approche en matière de cybersécurité. Dans ce cadre, elle collabore avec le Centre pour la Cybersécurité Belgique (CCB) et s'entretient avec ses homologues étrangers pour échanger leurs expériences respectives dans le domaine.

Il est par ailleurs important de distinguer cybersécurité et cybercriminalité. Dans le cadre de ses tâches et de sa mission légale, l'AFCN œuvre à la cybersécurité. La sécurité consiste, d'une part, à protéger les systèmes numériques contre l'infraction, le vol et l'endommagement du hardware, du software et des informations contenues dans ces systèmes et, d'autre part, à garantir la disponibilité de ces systèmes numériques et des informations qu'ils contiennent. La cybercriminalité, pour sa part, désigne toute (tentative d') infraction commise à partir d'un ordinateur et d'un réseau. La cybercriminalité ne relève pas des attributions légales de l'AFCN, mais celle-ci travaille toutefois en étroite collaboration avec d'autres autorités (ex. la police) afin de déceler toute tentative ou acte de criminalité.

6. Lettres adressées à Electrabel

Les médias ont également fait état de deux lettres adressées par l'AFCN à Electrabel. Dans ces deux lettres, l'Agence exprimait son inquiétude sur la sûreté au sein des centrales nucléaires belges et sur l'attitude d'Electrabel par rapport à la culture de sûreté. C'est d'ailleurs en lien avec cette culture de sûreté que l'AFCN a dressé au cours de l'année écoulée deux procès-verbaux à l'encontre d'Electrabel, après avoir constaté que les procédures de sûreté n'étaient pas appliquées rigoureusement à la centrale nucléaire de Tihange.  L'Agence tient toutefois à souligner qu'il n'y a jamais eu de risque réel, mais elle applique les normes les plus strictes en matière de sûreté nucléaire. Les lettres datent de l'été dernier. L'AFCN a pu entre-temps constater qu'Electrabel avait déjà pris des mesures pour donner suite aux remarques formulées dans ces deux lettres, mais des démarches cruciales restent à entreprendre. L'AFCN reste vigilante sur cet aspect.

7. Conclusion

L'AFCN part du principe que l'exploitant est le responsable de première ligne en matière de sûreté et de sécurité nucléaire. La protection physique des installations, transports et documents nucléaires satisfait aux normes correspondant à la menace actuelle. Les mesures sur le plan de la sécurité nucléaire évoluent et les exploitants nucléaires prennent dès à présent des mesures additionnelles qui constitueront la norme dans le futur. L'approche en matière de sûreté et de sécurité nucléaire n'est jamais définitive. C'est un processus permanent, les normes sont sans arrêt actualisées, ce qui nécessite un  système d'amélioration continue.